Nos derniers coups de cœur en Sciences Humaines et Sociales
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Ceux qui restent
Benoît Coquard
Coup de coeur- La découverte
- Poche / Sciences humaines et sociales
- 18 Août 2022
- 9782348075742
Objet de fantasme sur le " vrai " peuple de la " France oubliée " ou de dégoût au sujet des prétendus " beaufs " racistes et ignorants, les campagnes en déclin nourrissent bien des clichés. Mais qui sont les jeunes hommes et femmes qui y font leur vie ?
Si bon nombre d'entre eux rejoignent les villes pour les études, d'autres restent, souvent faute de ressources. Ceux-là tiennent néanmoins à ce mode de vie rural et populaire dans lequel " tout le monde se connaît " et où ils peuvent être socialement reconnus. Qu'ils soient ouvriers, employés ou chômeurs, ils font la part belle à l'amitié et au travail et se montrent soucieux d'entretenir une " bonne réputation ". Comment perçoivent-ils alors la société qui les entoure ? À qui se sentent-ils opposés ou alliés ?
À partir d'une enquête immersive de plusieurs années dans le Grand-Est, Benoît Coquard plonge dans la vie quotidienne de ces jeunes femmes et hommes. À rebours des idées reçues, il montre comment, malgré le chômage, la lente disparition des services publics, des usines, des associations et des cafés, des consciences collectives persistent, sous des formes fragilisées et conflictuelles. Une plongée passionnante dans le monde de celles et ceux que l'on entend peu, ou que l'on écoute mal. -
Une Curie peut en cacher une autre, et si Marie, physicienne et chimiste double Prix Nobel, a inspiré le monde entier, ses filles Irène et Ève ont également eu des vies hautement romanesques.
Marie Curie est une combattante : malgré des débuts difficiles en Pologne occupée, avec une mère malade puis des études à Paris sans le sou, elle révolutionne la médecine et les recherches sur la radioactivité aux côtés de Pierre Curie. Mais si on connaît bien la scientifique, la femme et mère, aussi, est passionnante - et l'éducation qu'elle dispense à ses deux filles les mènera chacune vers un grand destin.
Irène suivra la voie scientifique de sa mère : Prix Nobel de chimie à son tour, c'est en femme engagée qu'elle prend part à la lutte pour les droits des femmes. Ève, sa cadette, choisit les lettres et la diplomatie : auteure du primé Madame Curie, elle côtoie les plus grands, des Roosevelt à Gandhi en passant par Churchill, et tient un rôle essentiel au sein des Forces françaises libres auprès de de Gaulle.
Claudine Monteil brosse le portrait de ces trois femmes aux destins fulgurants et complexes, dont le courage, l'intelligence et l'engagement ont contribué à bâtir leur siècle. -
Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot
Alain Corbin
Coup de coeur- Flammarion
- Champs
- 16 Mars 2016
- 9782081387539
Dans ce livre devenu un classique, Alain Corbin s'est penché sur le grouillement des disparus du XIXe siècle, en quête d'une existence ordinaire. Il a laissé au hasard absolu le soin de lui désigner un être au souvenir aboli, englouti dans la masse confuse des morts, sans chance aucune de laisser une trace dans les mémoires.Né en 1798, mort en 1876, Louis-François Pinagot, le sabotier de la Basse-Frêne, n'a jamais pris la parole et ne savait du reste ni lire ni écrire ; il représente ici le commun des mortels. Un jeu de patience infini se dessine, afin d'en reconstituer le destin - mais eut-il jamais conscience d'en avoir un ?Par cette méditation sur la disparition autant que par les méthodes d'investigation nouvelles qu'il met en oeuvre, ce livre a fait date dans l'écriture de l'histoire contemporaine.
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L'épreuve de la discrimination
Collectif
Coup de coeur- PUF
- Hors collection
- 17 Février 2021
- 9782130827252
La France n'a pas encore pleinement pris la mesure de l'ampleur et des incidences du racisme et des discriminations qui la déchirent. Des millions d'individus, notamment issus de l'immigration postcoloniale, subissent au quotidien micro-agressions et stigmatisation. Ils voient leurs opportunités d'ascension sociale entravée, leurs vies écourtées. Ces épreuves suscitent bien souvent colère et sentiments d'injustice. Elles poussent parfois à l'engagement des personnes qui n'y étaient pas disposées. À partir d'une enquête inédite dans plusieurs quartiers populaires en France et en Amérique du Nord, ce livre démontre les conséquences du déni de reconnaissance qui entoure les discriminations : dépression, exil, repli sur soi... Au regard du drame silencieux qui s'opère sous nos yeux, il invite à une prise de conscience collective. Mais le racisme suscite aussi des conséquences plus positives : une jeunesse se lève face aux violences policières, se mobilise dans des associations ou investit les partis politiques, en développant des savoirs et savoir-faire nouveaux, et par là son pouvoir d'agir. Peut-être est-ce l'émergence d'une nouvelle génération militante, engagée dans des luttes pour l'égalité ?
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La société ingouvernable
Grégoire Chamayou
Coup de coeur- La fabrique éditions
- 11 Mars 2020
- 9782358721998
Partout, ça se rebiffait. Les années 1970, a-t-on dit à droite et à gauche, du côté de Samuel Huntington comme de Michel Foucault, ont été ébranlées par une gigantesque « crise de gouvernabilité ».
Aux États-Unis, le phénomène inquiétait au plus haut point un monde des affaires confronté simultanément à des indisciplines ouvrières massives, à une prétendue « révolution managériale », à des mobilisations écologistes inédites, à l'essor de nouvelles régulations sociales et environnementales, et - racine de tous les maux - à une « crise de la démocratie » qui, rendant l'État ingouvernable, menaçait de tout emporter.
C'est à cette occasion que furent élaborés, amorçant un contre-mouvement dont nous ne sommes pas sortis, de nouveaux arts de gouverner dont ce livre retrace, par le récit des conflits qui furent à leurs sources, l'histoire philosophique.
On y apprendra comment fut menée la guerre aux syndicats, imposé le « primat de la valeur actionnariale », conçu un contre-activisme d'entreprise ainsi qu'un management stratégique des « parties prenantes », imaginés, enfin, divers procédés invasifs de « détrônement de la politique ».
Contrairement aux idées reçues, le néolibéralisme n'est pas animé d'une « phobie d'État » unilatérale. Les stratégies déployées pour conjurer cette crise convergent bien plutôt vers un libéralisme autoritaire où la libéralisation de la société suppose une verticalisation du pouvoir. Un « État fort » pour une « économie libre ». -
Chères collaboratrices
Sandrine Holin
Coup de coeur- La découverte
- Cahiers libres
- 2 Mars 2023
- 9782348077746
Depuis quelques années, les entreprises semblent enfin s'attaquer aux discriminations envers les femmes. Les inégalités femmes/hommes seraient en effet responsables d'un manque à gagner abyssal pour l'économie, et les entreprises dont les conseils d'administration ou les comités de direction s'ouvrent davantage aux femmes seraient plus performantes. Il faut donc agir, et vite !
De grandes dirigeantes du monde des affaires ou de la politique expriment ainsi publiquement un engagement féministe, tandis que les multinationales comme les start-up s'affichent en pionnières de cette lutte en proposant formations à l'
empowerment destinées aux femmes, marketing reprenant slogans et symboles féministes, communication axée sur la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, ou encore politiques dites de diversité...
Ce nouveau féminisme qui emprunte au marché sa logique et son vocabulaire est celui offert par le capitalisme néolibéral aux femmes aspirant à " briser le plafond de verre ". Mais cette égalité qui vise avant tout à nous rendre plus compétitives et à nous mettre en concurrence est-elle désirable ? En abordant le féminisme sous l'angle du développement personnel ou de la logique entrepreneuriale, ne risquons-nous pas d'en affaiblir sa capacité à révolutionner la société ? Face à la tentative de récupération de nos souhaits d'égalité et d'émancipation, cet essai tente de hacker l'algorithme du féminisme néolibéral. -
Queer theory, une histoire graphique
Meg John Barker, Jules Scheele
Coup de coeur- La découverte
- Cahiers libres
- 9 Mars 2023
- 9782348078460
À quoi renvoie le " Q " qui complète désormais le plus souvent les quatre lettres du traditionnel sigle LGBT ? " Queer " : est-ce une identité de genre ? une orientation sexuelle ? un mouvement politique ? une théorie académique ?
Alors que l'on voit depuis quelques années le terme " queer " fleurir sur les pancartes lors des Marches des fiertés et se multiplier dans les ouvrages théoriques portant sur le genre et la sexualité ou encore dans les mots des activistes féministes, cet ouvrage entend aider les lecteurs et lectrices à y voir plus clair dans ce vaste champ des études et mouvements queers. Politiques des identités, rôles de genre, privilèges, exclusion, performance, normativité, liens entre sexualité, identité de genre, race et classe, influence de la pop culture...
Queer Theory, une histoire graphique revient sur les concepts clés, les penseurs et penseuses les plus importantes - souvent peu connues du lectorat francophone -, les débats emblématiques et les événements historiques qui ont participé à l'émergence et la construction de la théorie queer.
Engagé et drôle, ce livre à mi-chemin entre l'essai et la bande dessinée est un portrait unique de l'univers de la pensée queer, depuis sa naissance jusqu'à ses développements les plus actuels. -
Peut-on jouir, dans un monde injuste, sans être complice de l'injustice ? La question se pose aujourd'hui alors que nos plaisirs, qu'ils soient érotiques, alimentaires ou festifs, semblent formatés par le capitalisme contemporain et butent sur des impératifs politiques nouveaux : le refus de la violence patriarcale, la préservation du vivant, les exigences sanitaires. Plutôt que de céder à l'ascèse, ce livre nous invite à redécouvrir la dimension politiquement subversive du plaisir. La gauche n'a aucune raison d'abandonner l'allégresse à la pensée réactionnaire et sa défense de l'« art de vivre à la française » opposé au « moralisme progressiste ». A condition d'être partagé, le plaisir est une émotion qui inscrit dans les corps une issue positive à la catastrophe. Dans cet essai, Michaël Foessel propose de renouer avec les traditions qui articulent plaisirs et émancipation. Il montre que les expériences politiques prometteuses sont celles d'où la terreur et la honte sont absentes.
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L´Infini dans un roseau
Irene Vallejo
Coup de coeur- Les Belles Lettres éditions
- 10 Septembre 2021
- 9782251916903
Quand les livres ont-ils été inventés ? Comment ont-ils traversé les siècles pour se frayer une place dans nos librairies, nos bibliothèques, sur nos étagères ? Irene Vallejo nous convie à un long voyage, des champs de bataille d'Alexandre le Grand à la Villa des Papyrus après l'éruption du Vésuve, des palais de la sulfureuse Cléopâtre au supplice de la philosophe Hypatie, des camps de concentration à la bibliothèque de Sarajevo en pleine guerre des Balkans, mais aussi dans les somptueuses collections de manuscrits enluminés d'Oxford et dans le trésor des mots où les poètes de toutes les nations se trouvent réunis. Grâce à son formidable talent de conteuse, Irene Vallejo nous fait découvrir cette route parsemée d'inventions révolutionnaires et de tragédies dont les livres sont toujours ressortis plus forts et plus pérennes. L'Infini dans un roseau est une ode à cet immense pouvoir des livres et à tous ceux qui, depuis des générations, en sont conscients et permettent la transmission du savoir et des récits. Conteurs, scribes, enlumineurs, traducteurs, vendeurs ambulants, moines, espions, rebelles, aventuriers, lecteurs ! Autant de personnes dont l'histoire a rarement gardé la trace mais qui sont les véritables sauveurs de livres, les vrais héros de cette aventure millénaire.
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L'idéologie libérale règne désormais sans partage. Elle triomphe au nom d'une liberté dont les apôtres du système ont inversé le sens, depuis que sont tombées, avec la chute du mur de Berlin, les illusions des doctrines " libératrices ". Pourtant, partout dans le monde, l'espoir d'une émancipation enfouie sous les discours idéologiques se réveille aujourd'hui. Comment interpréter ce paradoxe ? De quels possibles cet espoir est-il porteur ? Répondre à ces questions implique de revenir sur l'histoire longue afin de comprendre comment le sens actif du mot " liberté " s'est trouvé effacé par les idéologues.
C'est ce qu'entreprend Michèle Riot-Sarcey dans ce livre. Poursuivant l'enquête du
Procès de la liberté (2016), où elle avait montré le bâillonnement du principe espérance au XIXe siècle, elle démonte l'ensemble des dispositifs d'entrave au pouvoir d'agir des individus au XXe siècle. De l'affaire Dreyfus à Mai 68, du mouvement ouvrier américain à la constitution des Internationales et la confiscation des expériences ouvrières par les avant-gardes, de l'insurrection espagnole en 1936 à la mise en ordre de la pensée structurale, de la catastrophe d'Hiroshima aux luttes anticoloniales, l'historienne analyse les processus par lesquels le sujet libre, à chaque moment décisif, s'est trouvé effacé au profit de visions totalisantes.
Mais l'idée authentique régulièrement se ranime et fait retour dans les lieux les plus inattendus. En analysant le fonctionnement d'une élaboration théorique figée, ce livre donnera des arguments aux lecteurs décidés à faire usage d'une liberté critique menacée. Il contribuera ainsi à rendre le
réel de l'utopie plus vivant que jamais. -
Les " cousins germains ".Après la chute de la France, en juin 1940, l'Angleterre a bien failli faire la paix avec le IIIe Reich et accepter le partage du monde qu'Hitler lui proposait depuis son arrivée au pouvoir. Nul doute qu'alors l'issue de la guerre eût été tout autre.
En parvenant, sur le fil, à faire échouer ce plan, Churchill n'a pas seulement triomphé des anciens partisans de l'" apaisement ", regroupés derrière son prédécesseur Neville Chamberlain, l'homme des accords de Munich. Les forces qu'il a vaincues in extremis s'activaient depuis deux décennies, tantôt dans l'ombre, tantôt au grand jour, pour répudier l'ancienne " Entente cordiale " entre Londres et Paris au profit d'un accord géopolitique global avec l'Allemagne : à cette dernière, la direction politique du continent, assortie d'une intégration économique et financière poussée avec le monde anglo-saxon ; à l'Empire britannique, un leadership écrasant sur le commerce mondial.
Ce rêve n'a pas seulement été poursuivi par de nombreuses figures de l'aristocratie britannique, sans parler d'une partie de la famille régnante, fidèle à ses origines allemandes - à commencer par le roi Édouard VIII, authentiquement nazi. Largement partagé, il avait pour chef de file le gouverneur de la Banque d'Angleterre en personne, Montagu Norman, et ses adeptes se recrutaient dans tous les secteurs de l'opinion, syndicats compris.
Quant à Hitler lui-même, c'est peu dire que sa fascination pour l'Angleterre était inséparable de sa doctrine raciste. Cette dernière fut forgée au contact d'un idéologue britannique, Houston Stewart Chamberlain, considéré par les nazis comme leur second " prophète ".
Écrite d'une plume alerte et riche de nombreuses révélations, voici l'histoire inédite et prenante de ces liaisons dangereuses qui faillirent changer la face du monde et perdurèrent jusqu'à la chute du IIIe Reich. -
Ils s'appelaient Hermann Oestrich, Heinz Bringer, Otto Ambros, Rolf Engel... Ils étaient scientifiques et ils étaient allemands. Ils étaient aussi des nazis engagés, et pourtant la France leur a déroulé le tapis rouge. Certains seront même décorés de la Légion d'honneur pour services rendus à la France.
Une histoire occultée? Certainement. Effacée? Peut-être. Oubliée? Il semblerait. Par un tour de passe-passe dont le roman national a le secret, l'opération de recrutement massif, dès 1944, de scientifiques nazis par le pouvoir gaulliste a été gommée de l'histoire officielle.
Au terme d'une enquête qui va le mener jusqu'aux lieux où ont vécu et travaillé ces Allemands, mais aussi dans le dédale des archives de la République, au travers d'entretiens avec les rares témoins encore en vie, d'échanges avec des historiens et de la consultation d'archives audiovisuelles, Michel Tedoldi met au jour un pan méconnu et sidérant de notre histoire contemporaine.
Réalisateur d'enquêtes sur des faits de société pour France Télévisions et Arte, Michel Tedoldi a également collaboré à Charlie Hebdo. -
Le temps des féminismes
Michelle Perrot, Eduardo Castillo
Coup de coeur- Grasset
- Essai
- 18 Janvier 2023
- 9782246830283
On ne naît pas féministe, alors comment le devient-on ? Précurseure de l'histoire des femmes, Michelle Perrot, 94 ans, livre ici un magnifique texte à la fois intime et théorique, livre d'histoire et autobiographie. Celle à qui son père conseillait de ne pas se mettre trop tôt un homme sur le dos, qui se rappelle avoir toujours voulu être comme les autres, abolir les différences avec les hommes, aborde son cheminement, de l'engagement chrétien au féminisme en passant par le communisme. Son itinéraire intellectuel, depuis sa thèse où elle voit rétrospectivement un regard presque masculin sur les femmes, donne à voir un siècle de changements sociétaux et la profondeur historique des luttes qui agitent aujourd'hui nos sociétés.
Première historienne à enseigner l'histoire des femmes en France, en 1973, Michelle Perrot nous emmène dans une épopée au féminin en explorant toutes ses ramifications : l'histoire de l'accession à l'égalité, l'histoire du patriarcat, l'histoire du mouvement féministe et des grands débats qui l'ont parcouru et structuré, sur le corps, le genre, l'universalisme contre le différentialisme, la sororité, MeToo. Dans ces pages, la grande histoire se mêle au destin des femmes qui ont porté leur cause et l'on voisine avec Artemisia Gentileschi, Olympe de Gouges, Lucie Baud, Christine Bard, Hubertine Auclert ; l'on dialogue avec Monique Wittig, Arlette Farge, Yvette Roudy, Antoinette Fouque...
La pensée lumineuse de Michelle Perrot, sans rien omettre des sujets les plus épineux, permet de déconstruire et parfois même de dépasser les clivages du féminisme contemporain. Le livre essentiel d'une pionnière, témoin d'un siècle de féminisme, dont l'engagement n'a d'égal que sa hauteur de vue. -
Louis Darquier de Pellepoix (1897-1980) est moins connu pour son action que pour ce qu'il symbolise : la haine du juif, le collaborationnisme, le négationnisme. Commissaire général aux Questions juives de 1942 à 1944, il est l'incarnation de l'antisémite et du collaborateur sans scrupules.
Partisan des ligues d'extrême droite en 1934, conseiller municipal de Paris proche de l'Action française, Darquier de Pellepoix se lance dans la carrière antisémite après la victoire du Front populaire en 1936. Agitateur opportuniste et violent, il crée le Rassemblement antijuif de France. Ministre de Vichy pendant l'Occupation, il pousse aux rafles et s'épanouit dans la propagande.
Démis de ses fonctions peu avant la Libération, dans une atmosphère de scandale et de corruption, puis exilé en Espagne, ce champion de l'antisémitisme français se fait oublier jusqu'en 1978, quand, dans un entretien accordé à L'Express, il déclare : « Je vais vous dire, moi, ce qui s'est passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, c'est vrai. Mais on a gazé les poux... »
À travers le parcours de cet activiste d'extrême droite, ce sont tous les mécanismes de l'antisémitisme, du fascisme français et du négationnisme que Laurent Joly met en lumière. -
La stratégie de la main invisible
Pascal Jardin
Coup de coeur- Bouquins
- 16 Février 2023
- 9782382923214
Il n'y a jamais eu qu'un seul chef des services de la propagande allemande en France occupée : le major Heinz Schmidtke, unique haut responsable militaire allemand en poste à Paris pendant toute cette période. Et, paradoxalement, aucune biographie de ce personnage n'existait à ce jour. Cet oubli historique est enfin réparé. Si le grand public a plutôt retenu le nom d'Otto Abetz, qui dépendait des Affaires étrangères du Reich, Heinz Schmidtke fut le véritable maître du système mis en place par le ministre de l'Éducation du peuple et de la Propagande, Joseph Goebbels. Il avait sous sa responsabilité la surveillance, la censure et l'orientation de toute la vie intellectuelle, culturelle et politique française.
La rédaction de cet ouvrage a été rendue possible grâce à la redécouverte des archives secrètes de la propagande allemande, conservées au service départemental de Bourges. Ces documents confidentiels, courriers, directives, comptes rendus et rapports réservés à un usage strictement interne aux autorités allemandes révèlent tout un système de communication jusque-là méconnu. -
Les aurores incertaines
Samuel Forey
Coup de coeur- Grasset
- essai français
- 1 Février 2023
- 9782246815440
Un matin brumeux de janvier 2011, Samuel Forey découvre qu'une révolution a éclaté en Égypte. Le Caire s'est embrasé et des milliers de révoltés ont pris d'assaut la place Tahrir, centre névralgique et politique de la capitale. Alors qu'il tentait de gagner sa vie comme journaliste depuis de nombreuses années, Samuel Forey prend une décision radicale . Du jour au lendemain, il quitte Paris et s'envole vers l'Egypte, à la recherche du grand soir.
S'ensuit une odyssée de six années au Moyen-Orient, au coeur du Caire tumultueux, traquant des rebelles dans le labyrinthe de roche et sable du Sinaï, s'initiant au reportage de guerre à Alep ou Gaza, partageant le quotidien des combattants kurdes en Syrie ou des soldats irakiens dans le chaudron brûlant de la bataille de Mossoul, en Irak, la plus importante guerre urbaine depuis la Seconde Guerre mondiale - au contact de l'humanité dans son extrême, pour le pire comme pour le meilleur.
Mais ce périple est aussi un cheminement intérieur. Profondément marqué par la perte précoce de ses parents, Samuel Forey fait l'apprentissage du deuil et de la mort. Quête du père, quête de soi, quête de sens, jusqu'au bout, là où le voyage se termine et le voile se déchire, quelque part dans l'explosion d'une mine, lors de la bataille de Mossoul.
Tout à la fois carnet de route, journal intime et récit initiatique, magnifiquement écrit, dans la tradition des écrivains d'aventure et de combat, les Aurores incertaines nous emmènent au coeur des tourments de ce début de siècle. -
De gré et de force
Camille François
Coup de coeur- La découverte
- L'envers des faits
- 19 Janvier 2023
- 9782348074318
Les expulsions locatives jettent chaque année en France des milliers de familles pauvres à la rue, dans une indifférence quasi générale. Pourtant, ces procédures sont au coeur de l'accroissement de la pauvreté et des inégalités sociales. Et leur nombre a augmenté au cours des vingt dernières années.
À partir d'une longue enquête de terrain, ce livre s'intéresse aux institutions et aux " petites mains " chargées de réaliser les expulsions. Il décrit la manière dont la violence légitime de l'État s'exerce sur les familles menacées de délogement, en retraçant les différentes étapes auxquelles elles sont confrontées : les services de recouvrement où les employés des bailleurs essaient de leur faire rembourser leur dette, les tribunaux où les juges prennent les décisions d'expulsion, les services de préfecture et de police chargés d'utiliser la force publique pour les déloger de leur domicile. En expliquant pourquoi certaines familles sont plus souvent expulsées que d'autres et comment les agents de l'État les contraignent, à la fois de gré et de force, à quitter leur logement, il met ainsi en lumière une violence légitime moins visible que la répression des manifestations ou que des interpellations policières, mais tout aussi efficace dans le maintien de l'ordre social.
Loin d'être une fatalité, ces expulsions locatives constituent une réalité éminemment politique, qui interroge la place du capital immobilier et de l'État dans la précarisation des classes populaires aujourd'hui. Une réalité contre laquelle il est possible d'agir. -
Elon Musk et Jeff Bezos aujourd'hui, Steve Jobs et Bill Gates hier, Thomas Edison et Andrew Carnegie un siècle plus tôt... De nombreuses célébrités entrepreneuriales peuplent nos imaginaires. Ces grands hommes seraient des créateurs partis de rien, des visionnaires capables d'imaginer des innovations révolutionnaires, des génies aux capacités hors du commun. Régulièrement, un même miracle semble se produire : un être d'exception pénètre un marché et le révolutionne. Il y provoque la création destructrice et bouleverse un ordre que l'on croyait immuable. Dans le grand roman de notre économie, les entrepreneurs sont ces héros qui sortent l'humanité de sa torpeur et lui permettent de faire des bonds en avant sur la route du progrès. Dans ce livre, Anthony Galluzzo s'attache à défaire cette mythologie, à comprendre ses caractéristiques et ses origines. Il montre en quoi cet imaginaire fantasmatique nous empêche de saisir la dimension fondamentalement systémique de l'économie et contribue à légitimer un ordre politique fondé sur le conservatisme méritocratique, où chaque individu est considéré comme pleinement comptable de ses réussites et de ses échecs.
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Nathalie Sorokine, la passion folle
Julie Duchatel
Coup de coeur- Alisio
- Alisio Histoire
- 11 Janvier 2023
- 9782379353628
« C’était une créature fascinante, insaisissable. » - Simone de Beauvoir, Tout compte fait, Gallimard (1972)
Paris, septembre 1938.
Nathalie Sorokine, une élève rebelle du lycée Molière, rencontre la brillante professeure de philosophie, Simone de Beauvoir. Subjuguée, l’adolescente désinvolte décide par tous les moyens d’entrer dans sa vie jusqu’à s’imposer comme l’une de ses maîtresses.
Aux côtés de Sartre et des existentialistes, Beauvoir et Sorokine, amies-amantes passionnées, vont affronter la guerre, l’Occupation et mener le combat pour la liberté entre Montparnasse et Saint- Germain-des-Prés.
Immortalisée sous les traits de Nadine, héroïne des Mandarins (prix Goncourt 1954), la muse impertinente de Beauvoir, voleuse de vélos et résistante à ses heures, sort de l’ombre pour la première fois.
Le récit inédit d’une passion de 30 ans entre deux femmes qui traversent l’Histoire (1938-1967).
Julie Duchatel est journaliste de formation et scénariste. Passionnée par le Paris artistique et littéraire de Saint-Germain-des-Prés, elle termine actuellement la rédaction d’un récit sur l’hôtel La Louisiane dont des extraits sont parus dans La Revue A littérature-action et dans la revue de La Règle du Jeu (éd. Grasset). -
Vénérée pour la virtuosité de son jeu, son incroyable vaillance et ses audaces, ou dénigrée pour sa personnalité incandescente, son anticonformisme et ses outrances médiatiques, jamais star n'a autant déchaîné les passions que Sarah Bernhardt (1844-1923), dont le seul nom reste une légende.
Celle qui fut la muse des plus grands écrivains et des plus célèbres portraitistes de son temps, avant d'inspirer romanciers, dramaturges et cinéastes, ne fut pas seulement une actrice
géniale. La mythique « Voix d'or », comme la surnommait Victor Hugo, cumulait tous les talents, également auteure, peintre et sculptrice de renom. Révulsée par la misère, l'injustice et l'intolérance, elle se fit aussi connaître pour ses engagements courageux : elle ne cessa de lutter contre la peine de mort, s'engagea aux côtés de Zola pendant l'affaire Dreyfus et combattit avec Louise Michel pour les droits, civils et politiques, des femmes.
On croyait tout connaître de « la Divine », mais l'ouverture de sources longtemps inaccessibles, archives et correspondances inédites, a permis de découvrir des aspects insoupçonnés de
cette personnalité brûlante.
C'est la vie de cette Sarah Bernhardt, étonnamment moderne, que ressuscite Hélène Tierchant avec une vraie tendresse et une plume vivante et délicate.
« Je m'armai pour la lutte, aimant mieux mourir en plein combat que m'éteindre
dans les regrets d'une vie manquée. »
Sarah Bernhardt -
En l'an 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé et lecteur de littérature française à l'université de Louvain, commença à semer la panique dans l'Europe savante. Non content d'avoir appris le français à des étudiants flamands sans leur donner aucune leçon, il se mit à enseigner ce qu'il ignorait et à proclamer le mot d'ordre de l'émancipation intellectuelle : tous les hommes ont une égale intelligence. On peut apprendre seul, sans maître explicateur, et un père de famille pauvre et ignorant peut se faire l'instructeur de son fils. L'instruction est comme la liberté : elle ne se donne pas, elle se prend. Elle s'arrache aux monopoleurs d'intelligence assis sur le trône explicateur. Il suffit de se reconnaître et de reconnaître en tout autre être parlant le même pouvoir.
Il ne s'agit pas de pédagogie amusante, mais de philosophie et, si l'on veut, de politique. La raison ne vit que d'égalité. Mais la fiction sociale ne vit que des rangs et de leur inlassable explication. À qui parle d'émancipation et d'égalité des intelligences, elle répond en promettant le progrès et la réduction des inégalités : encore un peu plus d'explications, de commissions, de rapports et de réformes, et nous y arriverons. La société pédagogisée est devant nous. À sa manière moqueuse, Joseph Jacotot nous souhaite bon vent.
Jacques Rancière, professeur en esthétique au département de philosophie de l'université de Paris-VIII, a également publié chez Fayard La Nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier (1981) et Le Philosophe et ses pauvres (1983). -
« Tout est politique », « La politique est partout »... Mais comment s'y retrouver quand les repères nous semblent brouillés ? Politikon nous propose de revenir à la base avec cette petite histoire des idéologies politiques modernes occidentales - synthétique et accessible à tous les lecteurs désireux d'affermir leurs connaissances. L'auteur retrace les grands moments théoriques du libéralisme, du socialisme jusqu'aux pensées récentes du féminisme ou de l'écologie politique, en passant par le nationalisme et les doctrines autoritaires. En évoquant les grandes figures de ces courants et les contextes historiques et sociaux de leur émergence, il montre d'où viennent les représentations et les imaginaires politiques qui nous poussent à adopter tel ou tel point de vue sur la société, sur ce qu'il faudrait faire ou ne pas faire. Karim Piriou prend le maximum de recul pour placer des points de repères théoriques et déjouer les pièges de la communication politique qui entretiennent la confusion - comme les différents usages du clivage gauche/droite ou de la notion de populisme. Il rappelle ainsi qu'en politique les mots sont souvent utilisés comme des armes, et qu'il est nécessaire de les désamorcer pour mieux en restituer le sens et les enjeux. Diplômé de philosophie à l'université de Rennes-I, Karim Piriou est professeur-documentaliste. Dans Politikon, son premier livre, il prolonge le travail entamé sur sa chaîne YouTube, en se concentrant sur l'histoire des idéologies politiques modernes occidentales.
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Quand l'étoile montante de la scène littéraire française devient le soleil noir de la France de Vichy. En 1932, Abel Bonnard est élu à l'Académie française. À quarante-huit ans, le plus brillant causeur des salons de l'entre-deux-guerres est au faîte de sa carrière littéraire. Poète précoce, délicat moraliste et grand voyageur, " l'exquis Bonnard " va pourtant se muer en tribun flamboyant et en essayiste fulgurant au service du fascisme. Comment ce cosmopolite méditatif - qui écrivait encore, en revenant de Chine en 1924, que " le voyage donne plus de liberté à nos rêves " - est-il devenu l'idéologue le plus méthodique de la Collaboration avec l'Allemagne nazie ? Quel rôle a-t-il joué durant l'Occupation ? Comment les tribunaux l'ont-ils jugé ?
L'itinéraire extraordinaire du poète est ici brossé avec maestria : ses jeunes années en province, ses débuts littéraires, son entrée fracassante dans le Tout-Paris de la Belle Époque, son engagement politique dans les années 1930 puis sa conversion immédiate et sans retour à la Collaboration qui lui vaudra le portefeuille de l'Éducation nationale en 1942 dans le gouvernement Laval. Mais le ministre n'accomplira jamais la Révolution pédagogique qu'il avait théorisée : criblé d'épigrammes par la Résistance qui fustige son homosexualité présumée, " la Belle Bonnard " - tantôt appelé " Gestapette " - est chassée par la Libération. Ce pilier du collaborationnisme trouve alors refuge en Allemagne puis en Espagne. Radié de l'Académie, jugé deux fois et deux fois condamné, Abel Bonnard meurt en 1968 à Madrid.
S'appuyant sur de nombreuses sources inédites, Benjamin Azoulay retrace sans manichéisme le parcours inattendu d'une figure aujourd'hui tombée dans l'oubli, mais ô combien complexe, fascinante et sulfureuse. -
Les millions de monsieur Mellon
Romain Huret
Coup de coeur- La découverte
- 5 Janvier 2023
- 9782348075957
Le 1er avril 1935, dans une salle bondée d'un austère bâtiment administratif de la ville de Pittsburgh, débute un étonnant procès qui fait la couverture des journaux pendant plusieurs mois. Âgé de quatre-vingts ans, Andrew W. Mellon, richissime banquier et ministre des Finances pendant toutes les années 1920, est accusé par l'administration du président Roosevelt d'avoir fraudé le fisc en détournant à son profit les lois qu'il avait lui-même contribué à instaurer. Si une résolution du contentieux aurait été possible dans la discrétion des bureaux de Washington, au lendemain de la crise de 1929 et en plein New Deal, il a été décidé d'aller au bout de la procédure et d'exposer les malversations fiscales de l'un des hommes les plus puissants du monde.
Au fil du procès, le capitalisme états-unien se déploie, révélant les conditions d'enrichissement de quelques-uns au détriment du plus grand nombre. À l'opposé des discours d'autocélébration des grands financiers et capitaines d'industrie, ceux-ci doivent leur fortune beaucoup plus à des lois qu'à leur génie ou leur flair des affaires. Ces débats, contradictoires et passionnés, fascinent la population car ils ébranlent le contrat social républicain.
À la manière d'un thriller juridico-financier, Romain Huret retrace cette histoire oubliée qui a conduit des millions d'Américains à interroger le rôle de l'État, la responsabilité sociale des élites et la perpétuation des inégalités. Sa résonance avec la situation contemporaine donne à comprendre la manière dont le capitalisme met à l'épreuve les principes mêmes de la démocratie.