Avec L'Été noir de 42 s'achève la publication des Carnets du célèbre journaliste britannique Alexander Werth. Il y raconte son périlleux périple en bateau entre l'Écosse et Mourmansk, le voyage en train aux côtés des Soviétiques jusqu'à Moscou et décrit son expérience de correspondant de guerre durant les mois les plus tragiques du conflit sur le front de l'Est.
Consigné dans la capitale, sans information fiable, Alexander Werth se livre à une analyse serrée de la presse quotidienne, des actualités filmées projetées au cinéma, des chroniques et autres « écrits patriotiques » publiés par les écrivains les plus populaires qu'il côtoie quotidiennement. Il scrute les métamorphoses de la propagande, le retour aux valeurs traditionnelles dans l'armée, mais aussi, à la moindre occasion, le vécu et le moral des Moscovites durant les semaines critiques qui suivent la chute de Rostov-sur-le-Don. Mais L'Été noir de 42 est aussi une réflexion sur le métier de journaliste en « conditions extrêmes ». Malgré les limitations imposées à ses déplacements, strictement encadrés par les officiels soviétiques qui organisent des « sorties » dans tel kolkhoze ou camp-modèle de prisonniers allemands, Alexander Werth glane des impressions, loin des discours officiels.
Nous connaissons aujourd'hui la « fin de l'histoire » : la victoire de l'Armée rouge à Stalingrad. Mais durant le terrible été 42, qui marque l'apogée de l'avancée des forces de l'Axe, qui pouvait prédire ce qui allait se passer ? Le témoignage d'Alexander Werth se fait dès lors journal de l'attente. Attente du désastre, non plus à l'échelle d'un pays, mais d'un continent.
Le journal inédit d'Alexander Werth, correspondant du Guardian à Paris en 1940...
Mai 1940 : la France capitule. Deux mois plus tard, le maréchal Pétain reçoit les pleins pouvoirs, et le régime de Vichy s'installe pendant que les Allemands envahissent le pays.
Intime, par ses fonctions, de l'ensemble du personnel politique, Alexander Werth raconte les ralliements spectaculaires à ce qui va devenir Vichy, les accommodements quotidiens et lâches d'une élite exclusivement préoccupée de la survie de son confort.
Il raconte aussi la rue, les Parisiens. Passées les quelques heures d'abattement de rigueur, les terrasses des cafés sont pleines, la bonne humeur remplace l'inquiétude, on s'agite, on discute, on rigole...
Et surtout, en visionnaire, il annonce le déroulement et l'issue de la guerre, anticipant par là les thèses que défendront plus tard de nombreux historiens.
Un journal à lire absolument pour l'éclairage particulier qu'il jette sur la Seconde Guerre mondiale !
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Récit captivant de la chute de la France en 1940, le témoignage du journaliste Alexander Werth, correspondant du Guardian à Paris, est enfin publié - Françoise Malye, Le Point?
Les notes quotidiennes prises alors par Alexander Werth, correspondant du Guardian à Paris, ont une telle puissance d'évocation qu'on est saisi, presque tenu en haleine. Ce journal d'une débâcle, inédit jusqu'ici en France, est un témoignage de tout premier ordre. - André Loez, Le Monde des livres
Un incontournable document tant sur le fond que sur la forme, qui fait vivre au plus près et grâce à la plume dynamique et immersive du britannique Alexander Werth l'arrivée des Allemands sur le sol parisien, au tout début de la Seconde Guerre Mondiale. - Blog Lettre it be
Un testament exceptionnel où, durant quelques heures volées à l'abattement et à la peur, Paris est une fête. - Blog Librairie Guillaume Budé
EXTRAIT
Vendredi 10 mai 1940
Maintenant, ça y est. Je dormais encore à huit heures et demie dans ma chambre du quai Voltaire quand le téléphone a sonné. C'était Gilbert : « Ce matin à quatre heures, les Boches ont envahi la Hollande, la Belgique et le Luxembourg. Petite nouvelle que j'ai cru devoir t'intéresser. Tu peux maintenant aller t'acheter un pyjama doublé en ciment ». Et voilà. Il y avait eu, tous les quinze jours plus ou moins, des rumeurs d'une invasion possible des Pays-Bas. Mais depuis quelques jours, il n'en était plus question. La semaine dernière, j'ai vu Sandberg, de Het Folk, le journal socialiste d'Amsterdam. Il revenait de Hollande. Bien que la cinquième colonne fût très active - son frère et son père sont tous deux nazis et croient que seule une invasion nazie peut leur assurer une tranquillité favorable à la reprise des affaires - il était convaincu que les Allemands n'attaqueraient pas la Hollande avant juillet ou août. Maintenant, c'est arrivé ; au moment peut-être où nous nous y attendions le moins - nous nous y attendions sûrement moins qu'à bien d'autres moments au cours des huit derniers mois.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né à Saint-Petersbourg en 1901, Alexander Werth était un journaliste et correspondant de guerre britannique. Les derniers jours de Paris reprend les chroniques qu'il a rédigées durant la Seconde Guerre mondiale.
Le 10 août 1941, les armées allemandes lancent l'offensive finale sur Leningrad. Moins d'un mois plus tard, la ville est encerclée. Pendant 872 jours - le siège le plus long de l'histoire moderne -, seule la « route de la vie », passant par le lac Ladoga gelé, permet l'approvisionnement, du reste très insuffisant, des Léningradois, qui souffrent de la faim et du froid. Alexander Werth, correspondant de guerre britannique, offre de cette tragédie un témoignage exceptionnel qui retrace la défense de la ville par ses habitants et raconte les stratégies de survie quotidiennes cachées derrière les mots « héroïsme » et « patriotisme ». Alexander Werth (1901-1969), journaliste et historien britannique d'origine russe, est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages remarqués sur la Russie soviétique et sur la France de l'entre-deux-guerres, en particulier, La Russie en guerre (« Texto », 2011) et Moscou, 1941 (Tallandier, 2012).
Traduit de l'anglais par Evelyne et Nicolas Werth. Présenté par Nicolas Werth.
Alexander Werth est l'un des rares correspondants de guerre à se rendre à Stalingrad au lendemain de la capitulation allemande, quelques jours seulement après la fin des combats qui opposèrent l'armée soviétique à l'armée allemande. Ainsi, en plus de livrer un témoignage très personnel et très fort de la situation sur place dès 1943, l'auteur revient sur le déroulement précis, d'un point de vue militaire, de ce qui fut le tournant de la Seconde Guerre mondiale : depuis l'offensive allemande sur Stalingrad de l'été 1942, jusqu'à la contre-offensive victorieuse de l'armée soviétique lancée le 19 novembre 1942. Grâce aux entretiens qu'il a eu avec des acteurs-clés, comme les généraux Talanski ou Tchouikov, il décortique en détail les différentes phases des opérations militaires ; mais il analyse aussi à travers la presse, les articles des correspondants soviétiques les plus connus (l'écrivain Konstantin Simonov), la manière dont les Soviétiques ont été informés des événements. Comment la bataille de Stalingrad est-elle devenue une bataille mythique ? Comment a-t-elle influé sur la manière dont l'armée soviétique s'est transformée au cours de ces mois décisifs de l'hiver 1942-1943 ? De l'original en langue anglaise publié sous le titre The Year of Stalingrad en 1946 chez Hamish Hamilton à Londres, la traduction présente réunit les chapitres consacrés exclusivement à la bataille de Stalingrad, qui forment le coeur de l'ouvrage, le premier à paraître sur le sujet.
22 juin 1941. Hitler lance l'opération Barbarossa contre l'union soviétique. Dix jours plus tard, Alexander Werth, correspondant de la BBC, arrive à Moscou. Jusqu'à octobre 1941, il partage le quotidien des Moscovites durant ce terrible été marqué par l'effondrement de l'Armée rouge. Le récit qu'il en a tiré est un témoignage unique sur un moment crucial de l'histoire de la guerre à l'est, celui où l'Allemagne nazie semble invincible.
Ne disposant que des informations officielles, qui toutes minimisent systé-matiquement les reculs et les défaites de l'Armée rouge, tout en majorant les pertes de la Wehrmacht, Alexander Werth saisit toutes les occasions pour tenter de « prendre le pouls » de la vie réelle. Malgré les contraintes - espionite ambiante, méfiance et peur de l'étranger -, il rend compte avec brio de l'atmosphère à Moscou au cours des premières semaines de la grande guerre patriotique, à un moment où la menace ennemie se rapproche de la capitale soviétique, soumise aux premiers raids aériens. Alexander Werth quitte la ville alors que les détachements avancés de la Wehrmacht ne sont plus qu'à une trentaine de kilomètres de la capitale soviétique. À ce moment-là, la prise de Moscou semble inéluctable.
Il n'est aucun domaine qui ait échappé à l'emprise du régime soviétique sur la vie culturelle et artistique dans la Russie de l'après-guerre. Après la littérature, le théâtre, le cinéma et la philosophie, c'est au tour de la musique d'être placée sous le contrôle du Parti, lors de la Conférence des musiciens, présidée par Andrei Jdanov à Moscou en janvier 1948. Les oeuvres de quelques grands compositeurs, tels que Chostakovitch et Prokofiev, coupables de « formalisme », sont alors mises au ban de la production artistique et leurs auteurs sommés de faire amende honorable.
Correspondant de la presse britannique en URSS, Alexander Werth est le témoin attentif de cette offensive idéologique.
Dans une analyse sur le vif où il laisse largement la parole aux différents acteurs, il retranscrit cette conférence, non sans humour, et avec un remarquable sens de l'observation.